segunda-feira, 23 de maio de 2011
Les clés de la colère espagnole Par Marie Simon, publié le 23/05/2011 à 16:00
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"Nos rêves ne tiennent pas dans vos urnes", clame cette pancarte sur la Puerta del Sol, à Madrid, ce dimanche.
REUTERS/Paul Hanna
Après une campagne électorale marquée par l'irruption d'un fort mouvement de contestation, les Espagnols ont infligé une défaite cuisante aux socialistes au pouvoir. La presse nationale tente d'en tirer quelques enseignements.
"Le #15M est arrivé et a fait exploser la campagne électorale", assène le site du quotidien El Mundo, au soir de la déroute du PSOE, le parti au pouvoir, lors des élections municipales et régionales de ce dimanche. Même si "l'effet réel de ce mouvement de contestation sur les résultats électoraux reste encore à démêler", comme le note le quotidien conservateur ABC, les "Indignés" de la Puerta del Sol, cette place centrale de Madrid transformée en point de ralliement des manifestants-campeurs, ont secoué la vie politique nationale.
A l'origine du mouvement 15-M
Depuis le 15 mai (d'où le 15-M), les rangs des mécontents réunis devant la mairie de la capitale espagnole n'ont cessé de grossir. Et ce malgré l'interdiction émise par les autorités peu avant le scrutin. Etudiants, retraités, salariés, chômeurs... mais aussi protestataires contre l'impunité qui entoure encore les crimes du franquisme, comme le souligne le quotidien de gauche Publico. Quel sont les facteurs communs qui unissent cette mosaïque de manifestants?
Le chômage est le premier mot qui leur vient à la bouche. Avec un taux record de 21,29% de la population active, il touche même 41,27% des 20-24 ans et 27,24% des 25-29 ans, selon les chiffres de l'Institut national de statistiques espagnol. Le chômage est la préoccupation numéro un des Espagnols. Interrogés par le Centro de Investigaciones Sociologicas, ils sont 82,8% à le citer parmi les trois sujets qui les inquiètent le plus en avril dernier, loin devant la crise économique en général (47,3%, en recul).
"Réflexion en cours", "arrêtez de nous prendre pour des idiots", 'l'opium du peuple, très peu pour moi", lit-on sur les pancartes...
REUTERS/Sergio Perez
Après des années déjà difficiles, la frustration des jeunes diplômés explose. Car ceux qui réussissent à décrocher un emploi ne roulent pas sur l'or. Depuis quelques années déjà, on les surnomme les "mileuristas" ou "la génération des mille euros". Le quotidien El Pais dressait un portrait de cette catégorie sacrifiée, économique parlant, et contrainte de rester vivre dans le cocon familial bien au-delà de la barre des 28 ans d'un Tanguy "classique", en 2005.
Les résultats du Centro de Investigactions Sociologicas font apparaître un autre souci majeur des Espagnols: les partis politiques et le fonctionnement politique du pays, qui inquiètent 21,5% des sondés en avril dernier, un résultat en progression constante. La défiance envers les grands partis, le PSOE à gauche et le PP à droite, monte, tout comme la critique du système électoral espagnol, et notamment la Ley d'Hont qui favorise mathématiquement le bipartisme ou en tout cas les poids lourds de la vie politique nationale. Changer la loi électorale fait partie des objectifs affichés.
Qui a donné l'impulsion nécessaire?
Le terreau de l'indignation est là, qui a provoqué l'étincelle? Des précédents comme les révolutions arabes? "De Tahrir à Madrid, au monde, world revolution", proclamait vendredi dernier une grande banderole, osant le parallèle entre l'Egypte et l'Espagne. Dans les deux cas, une place est devenue l'épicentre de la révolte... Mais la comparaison s'arrête là, Zapatero n'est pas Moubarak!
D'autres, comme le groupe Juventud en Acción, regardent plus volontiers en direction de l'Islande où la mobilisation de la population a fait chuter un gouvernement en 2008, puis refusé par référendum de rembourser une dette de 4 milliards d'euros au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Pour El Pais, le modèle est islandais, bien plus qu'arabe.
Si les "Indignés" tirent ce surnom de la lecture de l'ouvrage de Stéphane Hessel, récemment publié de l'autre côté des Pyrénées, c'est moins le papier que le virtuel qui leur a permis de se mobiliser efficacement. Plusieurs mots-clés ont émergé, tels que: #nolesvotes (ne vote pas pour eux), #spanishrevolution, #yeswecamp, ou #nonosvamos (on ne part pas), comme les énumère ABC dans sa "radiographie" du mouvement.
On compte aussi des sites comme Madrid.tomalaplaza.net (Prends la place de Madrid !) ou des cartes comme ce plan pratique de la Puerta del Sol, à Madrid. Sur Internet aussi se retrouvent les témoignages de nombreux Espagnols expatriés et solidaires. Même si la mobilisation locale se résume à un homme et une pancarte, comme en Sibérie: Xavi raconte son engagement solitaire sur le site d'El Pais.
Nous ne nous positionnerons pas, nos priorités sont différentes
Internet, encore internet et toujours internet... El Mundo tire cinq certitudes sur son rôle dans un mouvement tel que celle de la Puerta del Sol: c'est un outil clé de mobilisation, Twitter permet de détecter les mouvements sociaux, ignorer ce qui se passe sur le web revient à se tirer une balle dans le pied, protester sur internet ne suffit pas, si internet est mis dans la boucle l'affaire devient "globale".
Le tout à condition qu'il y ait une organisation minime avant que l'effet boule de neige opère. El Pais souligne d'ailleurs que le 15-M a été suivi de trois mois de préparation, notamment via le mouvement Democracia Real Ya (Enfin la démocratie réelle) que l'on retrouve... sur Facebook. Après des manifestations organisées le 7 avril, la magie n'avait pas opéré, elle a attendu le 15 mai.
Quel impact sur les élections?
Les manifestants ont toujours affiché leur neutralité à l'égard du scrutin qui se tenait ce dimanche 22 mai. "Nous ne nous positionnerons pas, nos priorités sont différentes", soulignent-ils lorsque la presse espagnole les interroge. Seul mot d'ordre peut-être: éviter de voter pour les partis qui dominent l'échiquier politique espagnole. La presse conservatrice s'est pourtant interrogée sur une éventuelle infiltration du mouvement par la gauche espagnole, trahie par exemple par un panneau demandant "une constitution socialiste, maintenant!", comme le souligne ABC.
Les grands perdants de ce dimanche: José Luis Rodriguez Zapatero et les socialistes espagnols.
REUTERS/Juan Medina
Mais le résultat final est bien synonyme de désastre, de déroute ou encore de noyade selon les titres, pour le camp socialiste, actuellement au pouvoir à Madrid, et dont le deuil politique ne fait que commencer, estime El Mundo. Malgré sa promesse de ne pas rester en 2012, José Luis Rodriguez Zapatero n'a pu éviter le vote sanction à ses troupes, et une hémorragie de quelque 1,5 millions de voix. C'est sans doute la mise en place de mesures d'austérité (retraites gelées, salaires des fonctionnaires à la baisse, aide aux chômeurs en fin de droits supprimée...), depuis un an, qui lui vaut cette déconfiture électorale, selon Publico.
La démobilisation de l'électorat socialiste favorise le PP qui savoure une victoire électorale au goût pourtant amer puisqu'elle s'accompagne d'un record historique: celui du vote blanc qui atteint 2,5% des suffrages enregistrés, plus du double par rapport à 2008. Le mouvement Ciudadanos en Blanco (citoyens en blanc) a même arraché quelques sièges à Barcelone et Gérone.
C'est là que le mouvement du 15-M a peut-être joué... au détriment des partis minoritaires dont les manifestants assurent pourtant défendre la cause, face aux mastodontes politiques! Ironique pour un mouvement qui juge que la démocratie lui a été confisquée par le bipartisme ambiant.
Qui a vraiment gagné les élections de dimanche?
Le PP a gagné ces élections locales. La seule "autonomie" qui reste entre les mains du PSOE sans coalition nécessaire, l'Andalousie, ne votait pas dimanche! Si ces résultats avaient été ceux d'un scrutin à l'échelle nationale, les conservateurs ne seraient qu'à 13 sièges de la majorité absolue. "L'Espagne vote le changement", claironne ABC. Pour El Mundo, l'humeur du PP serait la même s'il venait de remporter l'Eurovision ou l'Euromillions!
Mariano Rajoy, leader des conservateurs espagnols, se félicite des résultats de dimanche.
REUTERS/Sergio Perez
Mais c'est surtout le leader du parti qui tire profit, au sein de sa famille politique, de ces résultats. Mariano Rajoy, successeur de José Maria Aznar qui a quitté le pouvoir en 2004, aura mis toutes ces années à asseoir sa légitimité, souligne El Mundo, qui analyse une photo de dimanche soir. Il aurait enfin pris l'ascendant sur ses ennemis intimes, semblant dédier ces résultats à tous ceux qui n'ont pas cru en lui! La Razon le voit déjà "frapper à la porte de La Moncloa", le Matignon espagnol.
Des victoires locales, mais importantes malgré tout, sont également à noter. Le parti Convergencia i Union (CiU) remporte la mairie de Barcelone. La coalition de gauche Bildu a par exemple créé la surprise, devenant la deuxième force politique du Pays Basque. Cette formation, créée spécialement pour ce scrutin et qui a permis une présence indirecte de Batasuna, le bras politique interdit du groupe armé ETA, a frappé fort en remportant plus d'un quart des suffrages, derrière les nationalistes de centre-droit du PNV.
Des figures prennent aussi plus de poids, comme le note ce trombinoscope d'ABC. Esperanza Aguirre élargit sa majorité à la mairie de Madrid, Dolores de Cospedal prend la région Castilla La Mancha aux socialistes, ou encore Juan Ignacio Zoido qui leur ravit la mairie de Séville, tandis que Francisco Camps les maintient à distance respectable à Valence.
Et maintenant?
"Si Zapatero et son gouvernement n'entreprennent pas des initiatives politiques, le Partido Popular se sentira assez fort pour réclamer la dissolution des Chambres"... menant à des élections générales anticipées, avant le printemps 2012, souligne El Pais. Le PP porte aussi une responsabilité importante. A la tête de nombreuses collectivités locales désormais, "il lui incombe d'apporter des réponses à la situation économique problématique que rencontrent de nombreuses municipalités et régions", ajoute le quotidien proche des socialistes, regrettant que le sujet soit passé inaperçu au cours de la campagne électorale.
C'est maintenant, après les élections, l'épreuve du feu pour le mouvement qui doit se transformer en forum permanent
La société civile s'est réveillée et les "Indignés" promettent de poursuivre leur mobilisation, au moins encore une semaine... "C'est maintenant, après les élections, l'épreuve du feu pour le mouvement qui doit se transformer en forum permanent", estime le philosophe Miguel Morey, interrogé par le quotidien catalan La Vanguardia.
Mais El Mundo craint que l'effet ne soit pas vraiment durable. "Après la fête, la sieste de la démocratie pourra reprendre". Et pour qu'elle reprenne un peu plus vite encore, on pourrait bien déloger les sympathiques mais bruyants campeurs de la Puerta del Sol.
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